Sandra Nkaké, artiste franco-camerounaise, est une artiste activiste aux multiples casquettes, bien établie sur la scène française qui est dotée d'une voix suave et envoûtante. Lauréate du prix de "L'Artiste Vocale" de la Victoire du Jazz, Sandra Nkaké est sensible à la lutte féministe et à la lutte contre l'inceste, et y dédie son art en transmettant un message qui défend ses valeurs. En pleine tournée nationale, Sandra, de par son militantisme s'engage auprès d'associations telles que « Les Femmes s'en mêlent », pour livrer un show d'exception. Elle s'entretient avec Soul-Addict et nous invite à plonger dans son univers.
Comment décririez-vous votre identité musicale ?
Je dirais que l’objet de mon geste artistique serait de créer du lien et de permettre à chacun.e de réfléchir à comment créer collectivement un monde plus juste, inclusif et plus tendre.
En vous voyant sur scène ou sur les réseaux, on voit que votre identité visuelle est très présente, de par vos tenues, vos coiffures, la manière dont vous vous maquillez, tout est harmonieux, mais avec une touche edgy, diriez-vous que c’est à l’image de votre musique ?
L’idée de partager du sens, mes dernières chansons parlent d’un chemin de résistance et de survie. Tous les objets qui accompagnent la musique ont un rapport avec le sens, ce qui inclut les gestes que l’on a, les chorégraphies, les maquillages, les coiffures… Tout cela va dans la trajectoire de ma musique.
Qui vous inspire artistiquement ?
Il y a plein de personnes qui m’inspirent, et elles ne sont pas toutes en lien avec la musique. Il y a certes plusieurs artistes musicaux qui font partie de cette liste, mais vous n’entendrez pas forcément de leur musique dans la mienne. Généralement, je suis inspirée par les gestes singuliers des gens, pour en citer quelques-uns, je dirais La Chica, Raphaële Lannadère, Jeanne Added, Nina Simone, Laura Marling, Björk, et bien d'autres encore.
Vous vous êtes produit beaucoup sur scène, un peu partout dans le monde, en Afrique, aux Antilles, au Royaume-Uni et beaucoup ici en France, que vous ont apporté toutes ces expériences ?
L’expérience sur scène est un moment qui est unique à chaque fois, même si l’on joue le même répertoire pendant toute une tournée. C’est vraiment une rencontre avec des entités qui forment un public. C’est un voyage qui est intime et qui est à chaque fois renouvelé. C’est très émouvant de sentir qu’il y a des personnes qui se mettent à votre disposition ainsi qu’à celle de votre répertoire et qui s’engagent dans un voyage que parfois, ils ne connaissent pas.
Quelle est votre relation vis-à-vis de votre audience ?
Ah ça, c’est une vraie bonne question, faudrait leur demander ! En tout cas ce qui m'intéresse, c’est de leur raconter des choses qui m'importent intimement. Que mon geste les atteigne et les autorise à chanter, danser, à être vulnérable, mais aussi à s'autoriser à regarder l’autre avec bienveillance. J’essaye d'être une antenne qui est traversée par la musique et d’être une passeuse, je ne suis pas une donneuse de morale ou de leçons, mais plutôt une sorte de catalyseur, il est là mon cheminement.
Votre dernier album Scars qui signifie “cicatrice” en français sorti plus tôt cette année, semble très intime et transparent en termes d’émotions, quel a été votre ressenti lors de sa réalisation ?
On est dans la deuxième année de tournée, mais cet album a été une longue gestation dans l’écriture et la composition de ces chansons. Il était question de retranscrire le parcours d’une survivante d’inceste, une survivante de violence conjugale, ou d’une survivante du patriarcat tout court. J’avais besoin que ces chansons parlent de tout ça afin de montrer que la cicatrisation fait partie du processus de guérison. J’avais envie que ces chansons soient comme des talismans, des ressources pour celles et ceux qui les seraient amenés à les écouter et à qui ça ferait du bien. Donc je parle évidemment des traumas, mais aussi des ressources qui m’ont permis de guérir et de continuer d’être en vie et plutôt saine d’esprit. Il y a de l’amitié, de la sororité, des éléments, le fait d’être née en Afrique et d’avoir cet héritage, nos luttes communes, voilà ce que l’on retrouve dans les différents morceaux de Scars.
Quel morceau direz-vous est le plus significatif pour vous ou qui transpire de la manière la plus authentique votre essence ?
Je pense qu'on n'est pas monolithique et que l’on est fait de plein de facettes, il n’y a pas qu’un morceau qui me représente. Si je devais en choisir trois, je dirais “Rising Up”, “Nos Voix” et “Lose Control” qui sont trois états différents d’une même personne.
Il y a quelque temps, vous avez reçu le prix de “L’artiste Vocale” aux Victoires du Jazz, déjà félicitations ! Vous avez déjà également remporté une victoire de la musique, il y a quelques années de ça. Qu’est-ce que ça signifie pour vous cette reconnaissance ?
Je ne sais pas si cela signifie quelque chose précisément, mais je le perçois comme une porte ouverte aux personnes qui sont à la marge, qui ne sont pas dans des cases, qui sont dissidentes, autodidactes, issues des milieux populaires, qui ne sont ni vues ni entendues, c’est une forme d’espoir, de joie aussi pour les personnes qui me soutiennent depuis très longtemps, mais aussi pour nos équipes qui, comme nous, sont indépendantes. C'était inattendu. Ça ne va pas influer sur ma manière de chanter, je ne le vois pas comme une forme de validation, mais ça m’émeut de constater que l’on a été vu et entendu, et ça nous pousse à continuer davantage.
Que devons-nous attendre de vous désormais ? Des projets en cours ?
En effet, je suis en tournée jusqu’au mois de mars, ça fera deux ans et demi de tournée !
Je suis également en écriture avec Jî Drû pour son prochain disque. J’ai commencé à travailler sur mon prochain opus qui verra le jour probablement dans deux ans. Il y a un film qui va sortir le 9 octobre prochain, qui s’appelle “Niki” qui retrace la vie de Niki de Saint Phalle, je chanterai le générique de fin. C’est un projet très émouvant, car il raconte son histoire par le prisme du fait qu’elle ait été victime d’inceste, chose que peu de personne ne sait, donc j’étais d’autant plus touchée de pouvoir prendre part à ce film musicalement. Je forme aussi un trio avec Jî Drû et Paul Colomb, et ensemble nous préparons un album et ainsi qu’une tournée fin 2025. Donc voilà un planning assez chargé, mais j’ai hâte !
Et nous aussi, nous avons hâte de ce que Sandra Nkaké nous prépare ! En attendant, tu peux d'ores et déjà prendre tes places pour la voir en concert, elle performera dans toute la France en passant par Amiens, Nice et dans d'autres villes et sûrement près de chez toi ! Toutes les informations ici.
Soul-Addict te recommande "Scars" pour plus de douceur transcendante.
Par : Sarah Nemorin