Maureen Angot "La première rencontre c'est la rencontre avec le public"

05 mars 2015 à 21h28 - 6955 vues

Soul-Addict est partie à la rencontre de Maureen Angot, "autesse, compositiste et interpretresse" pas comme les autres. Après avoir connue les projecteurs des télé-crochets elle a su se transformer et nous a naturellement charmé avec son dernier titre "What Can I Do". C'est pourquoi en ce début d'année nous tenons particulièrement à suivre ses projets. Au menu : Zéro tabou, beaucoup d'amour, des images positives et de la musique qui fait du bien!

Hanazade: Enchantée de te rencontrer Maureen, à Soul-Addict on a beaucoup apprécié ton dernier single "What Can I do". C'est un style vraiment sympa. Est-ce qu'on peut parler d'électro soul? Désolée de te coller une étiquette dès le départ, mais nous le public on a ces automatismes, surtout lorsqu'on adore la musique et on tente de la décrire à ses amis!

Maureen Angot: Tu veux connaître ma cuisine! Alors le pitch de ma musique c'est avant tout de la chanson française, j'y tiens. Même si là il y a un refrain en anglais. C'est de la chanson française qui fusionne avec un petit fruit soul, un petit fruit jazz, un petit fruit pop... Y a un peu tous ces codes qui se rencontrent. Ce n'est pas du rock, ce n'est pas encore de l'électro. Pour le moment ça prend une gueule un peu 80, je ne sais pas pourquoi, ne me demande pas! Mais c'est vrai qu'il y a un petit côté 80 qui flotte sur "What Can I Do" et d'autres chansons que je prépare en ce moment.



H: Avant le clip de "What Can I Do" on a cru reconnaître ton visage, te voir à la télé. Alors c'était la Star Ac, The Voice. Ca date maintenant! Qu'est-ce que tu en as tiré?

MA: Oui j'ai fait ces émissions. Et on raconte que lorsqu'on fait la Star Académie, qui est une émission en total immersion: avec les cours, les plateaux en live toutes les semaines etc. On dit que lorsqu'on a fait ça on gagne 10 ans d'expérience, de scènes et de "métier".  C'est vrai. Ca m'a beaucoup appris sur le plan  technique.  Comment on regarde la caméra, ne pas l'oublier car c'est le téléspectateur, c'est à lui qu'on s'adresse.  Au delà de ça, tout ce qui se passe dans les coulisses, ceux qu'on rencontre. J'ai pu être en contact avec des gens du métier. Ca n'a pas toujours été simple mais c'est intéressant de rencontrer ces gens là qui font la musique qui passe à la radio aujourd'hui. J'ai donc retiré beaucoup d'expérience même si je l'ai déconstruit ensuite pour me réapproprier des choses et les transformer. Mais ça m'a apporté de très belles rencontres.

H: Quelles sont les rencontres qui t'ont marqué dans ton métier d'artiste, qui ont pu te faire bifurquer?

MA: La première rencontre c'est la rencontre avec le public. C'est lui qui a la sorti de mes concerts m'a fait bifurquer, parce que j'ai eu des réactions par rapport à certaines chansons. Ca ça m'a fait bifurquer! Et puis les rencontres avec les artistes. J'ai travaillé notamment pendant quelques mois avec un artiste qui s'appelle Maxime Nucci qui aujourd'hui est connu sous le nom de Yodelice et qui m'a appris à simplifier ma musique. Parce que j'avais tendance à, lorsque je faisais un accord au piano, mettre les dix doigts. Du coup j'en ai enlevé quelques uns. Et ça ça fait vachement de bien à la musique!



H: Quelles sont tes références musicales, la musique à laquelle tu es le plus fidèle?

MA: J'ai des périodes de blackout total, je n'écoute rien du tout! Mais vraiment rien, ça ne m'intéresse pas. Je lis. J'écoute la radio, là où y a des gens qui parlent. Je n'écoute pas de musique et quand j'en écoute je fume des cigarettes en écoutant du très très vieux jazz. J'ai une période Jamiroquaï, un retour. Je ne sais pas pourquoi. S'il revenait aujourd'hui avec un album ça me ferait très plaisir. Le sunlight, la joie qu'il me donne c'est ... Je ne sais pas. Je retourne vers du Finley Quaye, Lenny Kravitz, des vieux Barbara Streisand.

H: Tu sais que certaines personnes n'ont même pas reconnu Lenny Kravitz lorsqu'il a joué au Super Bowl 2015 "I kissed a girl" avec Katy Perry?

MA: Il y a toujours des artistes aux grandes carrières qui restent méconnus en France, comme John Mayer, on adorerait le voir en concert. Mais il ne vient pas.

H: C'est peut-être pour ça qu'à la Favela vous leurs rendez hommage! Parce qu'il faut le dire, à l'occasion on peut te voir entourée d'autres artistes à la Favela Chic à Paris et vous réinterprétez beaucoup de titres de ceux qu'on n'a pas la chance de voir.

MA: Exactement, sous l'impulsion de la formidable Julia Cinna, parce que c'est Julia qui gère la "Jam To the Wild", on a l'occasion de se faire plaisir et de faire plaisir au public. Et les hommages qu'on fait c'est vraiment ceux de mélomanes, pour le plaisir.



H: Aujourd'hui tu as donné rendez-vous au public à l'Alimentation Générale, en 1ere partie de Renaud Papillon Paravel, tu parles de lui comme un poète. Tu te présentes sur facebook comme autesse, compositiste et interpretresse. Ils semblent que les mots aient énormément d'importance pour toi. Tu écris tous tes titres?

MA: Quasiment oui. "Tu dis qu'il y a une importance capitale du mot, oui". On devrait tous y faire attention. Pour moi, c'est un pouvoir et aussi une liberté.

H: Oui d'ailleurs tu n'hésites pas à en inventer.

MA: En effet ce sont des barbarismes. Il y a le pouvoir des mots qui existent. Je crois que quand tu dis du mal à quelqu'un tu envoies dans l'univers un truc dégueulasse et que forcément ça te retombe dessus, comme un boomerang. Quand tu partages ta joie, que tu parles de ce qui est au fond de toi, tu offres quelque chose en grand et ça peut ouvrir des portes. Forcément le mot résonne quelque part chez les gens.

H: Donc quand on te voit sur scène et que tu nous délivres ta chanson chaque mot est guidé par une intention?

MA: Tu mets le doigt sur quelque chose d'important, oui il y a une intention. Après mon but c'est que l'intention soit en conscience tout le temps sur chaque mot.

H: C'est très ambitieux! Même courageux. La plupart des artistes se dédouanent de ce qu'ils interprètent. Ils parlent d'impulsion, ils disent qu'ils n'ont pas fait exprès. Mais toi non tu dis "Je fais attention à ce que je dis". Du coup tu peux te censurer ou pas du tout?

MA: En fait je pense que les artistes sont les derniers magiciens de ce monde, les derniers  sorciers même. Ils ont du pouvoir, ils parlent aux gens, ils parlent même plus que les politiques. Moi à mon petit niveau, alors imagine Beyonce! Quand elle dit "Run the World" elle sait ce qu'elle dit.

H: Moi le titre que j'ai préféré avec toi c'est "Alien", tu l'as présenté en show case récemment. Ca pouvait paraître futile mais qu'est-ce que ça faisait du bien! Ca donnait le droit d'être perché (rire). On dansait. J'aime ce côté déjanté chez toi. Est-ce qu'on aura souvent ça?

MA: "Les Aliens" dès que je chante en public ça fait un carton. Les gens adorent ils chantent avec moi, ils rigolent. Il y a une chorégraphie qui est très très recherchée attention! (rire) D'ailleurs c'est même une raison de venir au prochain concert. C'est ce que j'appelle une chanson sketch. Je crois que je l'ai écrite j'étais au sud au bord de mon lit et j'ai imaginé que les aliens arrivent dans mon jardin. Du coup c'est parti de là, je me suis fait mon sketch dans ma tête! J'ai vu ce film, je l'ai écrit. C'est arrivé pour quelques chansons comme "Je suis suivie" qui est complètement délirante, et dure 7 min.

H: Donc tu as une imagination débordante! Parce que je ne crois pas que tout le monde puisse faire ce genre de chanson. Mais ton imagination tu l'as fait aussi jouer en tant que plasticienne! A la Favela on a pu voir ton expo. Ca fait longtemps que tu fais ça?

MA: Encore un fois c'est grâce à Julia Cinna. Elle m'a programmé pour le concert que t'es venue voir et en même temps elle a vu que je faisais des dessins. Elle m'a dit "Mais fait une expo en même temps. Fait une soirée Maureen Angot complètement mégalo. Tu fais expo et concert."  Moi j'avais repris ça ne faisait qu'un mois. Ca datait de mes quinze ans quand je dessinais et j'ai arrêté complètement. Il s'est passé un truc dans ma vie personnelle, une rupture qui finalement m'a permis de reprendre.

H: Ca tu l'as expliqué en note aussi, juste en dessous des illustrations.  Il y a un fil conducteur, c'est très coloré. Il y a des rapports au bio, au végétal, à l'écolo... Mais aussi à l'homme, à la femme. On voit bien la partie environnement, nature.  "What Can I do" a été tourné au bord de plage! Tu es en accord avec la nature, tu sais mettre l'environnement en valeur. C'est important pour toi de délivrer ce message d'écologie, de protection?

MA: Oui je m'intéresse à tout ça. Je pense que c'est le seul avenir possible. C'est la seule politique qu'on puisse suivre aujourd'hui. On est au bord d'un profond changement, presqu'au pied du mur. Tout le monde le ressent.

H: Donc tu l'as exprimé avec des images, on les a vu. Est-ce que tu pourrais le faire avec des chansons?

MA: J'en ai fait une, mais il y a longtemps. Elle s'appelait "Ecolo Blues". Je l'aimais bien. Elle va peut-être revenir d'ailleurs. Elle disait "Ma mère est noire, ma mère est rouge, mon heure de rien, ma peur est bleue". C'est une chanson toute simple. Elle est consacrée à ça, à la peur de ce qu'on est en train de vivre, à l'inaction. On voit ce qui se passe, on le sait, mais on ne fait pas assez. En revanche je suis pleine d'espoir, je suis persuadée qu'on va trouver une solution. Des alternatives existent et on va commencer à les appliquer. C'est qu'en faisant cela qu'on construira un futur pour nos enfants.

H: Oui c'est important. Et au delà, avec ce goût pour l'art, l'environnement, est-ce que l'esthétisme est important? Tu aimes quand tout est fignolé? J'ai adoré tes chaussures sur scène! Tu soignes ton look?

MA: Je m'en fout de plus en plus, mais j'essaie de ne pas me laisser aller! En devenant plus âgée, plus femme, tu vas à l'essentiel. T'arrêtes un peu les furitures mais il n'empêche que je ne me présenterai jamais en pyjama! Même si je l'ai fait une fois sur scène.

H: Surtout ce que j'ai remarqué avec toi c'est tes changements de coiffure! Blonde, brune, rousse, lisses, bouclés, courts, longs! Tout y passe. C'est jamais pareil. Tu es un caméléon ce n'est pas possible!

MA: C'est un truc que j'envie aux femmes noires qui changent tout le temps de look, pourquoi moi je suis obligée d'avoir la même tête? La dernièrement j'ai coupé mes cheveux. Donc  j'ai les cheveux courts mais ça veut dire autre chose. Dans les cheveux t'as des mémoires, quand tu les coupes c'est aussi que t'as envie de renouveler un peu ta vie. Donc il y a cette idée de passer un nouveau cap.

H: Tu as une vrai spiritualité on dirait. Y a une vraie connexion entre ce que tu penses et ce que tu fais. Dans ton expo y avait aussi des références au yoga, au chamanisme. T'as besoin de spiritualité dans ta vie, de rester ouverte, tu ne bloques sur aucun tabou?

MA: C'est marrant que tu poses cette question, oui j'aimerais aller de plus en plus loin. Je pense qu'il n'y aucun tabou. On peut parler de tout, j'aimerai parler de tout. Pourtant les tabous sont dans les choix des mots. Je ne pourrais pas chanter de la pure vulgarité. Les sujets sont toujours les mêmes, l'amour, mais chacun en parle à sa façon. C'est la façon de chaque artiste qui est intéressante.

H: Des collaborations de prévues pour ton futur album?

MA: Il y a des collaborations dans l'air mais pour le moment ce n'est pas officiel.

H: Tu as des scènes de prévues?

MA: Le 17 mars il y a le Tribute to Jamiroquaï à la Favela. Le 25 mars il y a la 1ere partie de Papillon Paravel qui est un "ambrassadeur" de la langue française. Les prochaines dates vont arriver.

H: Que peut-on te souhaiter cette année pour que ça ne soit pas une année pas comme les autres?

MA: C'est déjà une année pas comme les autres, rien qu'avec le 7 janvier et Charlie Hebdo. J'ai sentie qu'on entre dans un nouveau monde, les gens sont en pleine prise de conscience, ils cherchent à savoir qui ils sont vraiment. Moi y compris! Donc c'est une année très intéressante, je sens que tout s'accélère. Je sens qu'on va trouver nos voies respectives tous ensemble. Je sens que chaque jour de 2015 me précipite vers qui je suis. J'ai l'impression que je dois faire de moins en moins de compromis avec la société et ses dictates. Tout est uniformisé. On attend des artistes qu'ils fassent de la musique comme ça, qu'ils fassent de la promotion comme ça. Tu ne peux pas sortir une chanson sans image, il y a beaucoup de choses à respecter. En tout cas ce qu'on peut me souhaiter c'est que je sorte de tous mes propres conditionnement et je souhaite à tous qu'on appréhende la vie de manière libre et positive.

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Par : Hanazade

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