Brasco "Ma façon de chanter vient de mon père"

17 mars 2015 à 13h27 - 9550 vues

Soul Addict est parti à la rencontre de Brasco. Le rappeur d'origine guadeloupéenne n'hésite pas à imposer le soleil et la chaleur lorsque tout est gris. C'est naturellement que cette année, il nous livrera son prochain album "Le fils du soleil". En attendant on peut se ravir de tous ses hits et découvrir un univers riche jonché de prestations toujours plus soignées. Attention avec Brasco surprises assurées!

Hanazade: Salut Brasco, tu as la gentillesse de nous rencontrer. Récemment on a pu voir ton dernier clip "L'amour ou la raison". C'est une belle balade où ta voix est vraiment mise en valeur, on te découvre en chanteur même si on est plus habitué au rappeur. Belle performance! Je ne suis pas sure que d'autres puissent en faire autant.

Brasco: Il n'y en a pas! Ce n'est pas pour être prétentieux mais pour moi à ce niveau là je n'en vois pas. Peut-être La Fouine, mais pas avec la même voix. On n'a pas le même grain. Lui c'est très variété française, il s'en inspire beaucoup. Donc ce n'est pas ça son truc. Moi j'ai une palette large, je viens des Antilles. Là bas on écoute beaucoup de musique américaine. Inconsciemment quand j'étais petit j'écoutais énormément d'Aretha Franklin, d'Otis Redding, ça m'aidait énormément.

H: Donc le grain de voix soul, très chaud, très roque tu l'as naturellement?

B: Non je l'ai eu par accident. En fait ma façon de chanter vient de mon père. Il a deux qualités: il est chanteur et il est batteur. Mais il a préféré rester derrière les spots, caché. Quand tu es batteur tu peux rester dans ton coin et faire du bruit. Un batteur est moins mis en avant et c'est ce que cherchait mon père. Donc j'avais déjà ce truc là. Et un jour aux Antilles, à douze/treize ans, j'ai ouvert une bouteille de Vitamalt, les bières sans alcool. La capsule est restée coincée dans ma gorge. J'ai failli mourir ce jour là! C'est la voisine qui m'a sauvé. "Ton fils est en train de mourir!". Elle m'a donné deux, trois tapes dans le dos. La capsule est sortie et je suis resté une soirée sans parler. Le lendemain matin j'avais ce genre de grain de voix qui venait et qui repartait. A la fin j'ai réussi à avoir un juste milieu. Quand je chante j'en rajoute un petit peu  (il chante) "Yeah yeah yeah".



H: Wahou, t'as un vrai groove. Plusieurs styles s'ouvrent à toi non?

B: Après la façon de chanter c'est de famille. J'aurais pu avoir le timbre mais pas la manière de poser. Ca aurait été différent. Là je peux tout faire! "L'amour ou la raison" on se rapproche de la pop/ variété. C'est moi qui est voulu ramener ce côté en rappant. (Il rappe) "Derrière un grand homme se cache une femme, je veux que ce soit toi!" A la base l'écriture, la pose ça reste du rap. Sinon si j'avais enlevé des mots ça aurait donné autre chose. Et j'ai voulu privilégié le côté urbain justement. C'est un mélange, un melting pot qui a donné "L'amour ou la raison". La musique m'a immédiatement inspiré ça.

H: En tout cas on a bien apprécié. J'aime bien ton côté décalé et humoristique. J'ai beaucoup ri quand j'ai vu ton clip "Pousses la fonte". Tu t'amuses vraiment des codes du rap.  Tu ne joues pas le gangsta énervé.

B: Oui. En fait moi j'aime bien me différencier. J'écoute beaucoup ce que font les autres. Je ne le fais pas pour être influencé mais pour ne pas faire pareil. Les autres peuvent faire des sons qui marchent mais je veux en faire à ma manière. T'as plein de gars qui se disent "Ah il a fait un titre reggaeton, ça le fait. Il faut que j'en fasse un." Non. Tant mieux pour lui. Pourquoi tu veux en faire un? Si ça marche pour quelqu'un ça ne veut pas dire que ça marchera pour toi. Fais ton truc! Tu vois c'est pour ça que quand je vois tous les rappeurs faire les gangstas et les voyous, je passe. Je l'ai fait mais je ne me prends pas la tête avec. Je sais que la plupart des mecs qui font crainri quand ils sont avec leurs meufs ils écoutent du Trey Songz. Même des fois je suis avec des gros voyous, ils sont dans leurs voitures et ils écoutent du Jul! Ils écoutent parce que c'est tendancieux. Moi comme je suis artiste j'ai du recul. Quand j'entends un artiste qui a fait un bon taf je respecte. Et quand c'est naze je dis que c'est naze.



H: Tu arrives à rester fidèle à ton univers alors. Tu participes au tournage de tes clips par exemple?

B: Oui je travaille avec les réalisateurs. Je bosse avec une équipe de tournage et réalisateurs indépendants. T'as Dj Redeyes et N.L.E Labo qui est aussi rappeur. Ce sont deux gars super forts. Un gros big up à WellDone pour "L'Amour ou la raison". C'est lui qui la fait, on est parti en Suisse on a fait le clip et ça a donné quelque chose de très très bien. Ce que tu ne sais pas c'est qu'à la base c'est une histoire vraie! C'est une histoire qui m'est arrivé il y a deux ans. J'étais vraiment amoureux d'une fille. Il y a eu l'amour à distance. J'ai toujours eu mon côté thug mais un thug ça tombe amoureux! Tony Montana il est bien tombé amoureux de Gina (sourire). J'ai aimé cette meuf. Elle vient du sud, moi de Paris. Je suis artiste elle a sa propre vie. II y a le côté paranoia qui entre, les vas et vient. Donc il y a tous ça et j'ai essayé de la récupérer! J'ai fait le morceau à titre personnel. Je lui ai envoyé. Elle arrêtais pas de pleurer! Mais elle est restée sur sa décision. Elle n'a pas cédé! Du coup ça m'a gavé! (rire). Je ne savais pas s'il fallait le sortir ou pas mais j'ai fini par trouver l'occasion le 14 février (Saint Valentin).

H: Tu as fait une référence à Scarface, le cinéma c'est important pour toi, tu peux devenir acteur à part entière?

B: Oui, je suis dedans. Il suffit de taper Brasco court métrage ou Brasco séquence cinéma. J'ai une démo, j'ai tourné dans pas mal de chose. On a gagné des prix et depuis les réalisateurs m'ont à la bonne. Je suis perfectionniste dans tout ce que j'entreprends. Ils m'ont confirmé qu'il y a la possibilité de faire quelque chose. J'ai besoin d'apprendre! Je ne me considère pas comme Denzel Washington mais tu vois qu'il y a quelque chose. Depuis "Vagabond," mon interprétation, mon visage, ils ont vu qu'il y a quelque chose. J'ai un visage super expressif et ça dans le cinéma ça marche beaucoup. T'es même pas obligé de parler mais rien qu'avec les yeux, la tête, tu vas te dire que le mec sait jouer.

H: Alors est-ce qu'on peut dire que tu es un artiste polyvalent, un peu à l'américaine?

B: Oui on va dire ça. J'ai une mentalité du gars qui aime prendre des risques. Je prends beaucoup de risque. Là j'ai sorti "L'amour ou la raison", je parle d'amour, et après je vais faire la guerre (sourire). Comme je rappe avec mon petit frère je vais sortir un morceau qu'on a fait il y a quatre, cinq mois. Je vais le sortir pour l'honorer un peu, montrer ce qu'il fait. Ce sera un entracte. Je vais montrer que je fais toujours du rap. A tous ceux qui font du trappe, du rap machin, je vais montrer que je suis là. Je vous amène mon petit frère et il va tous vous mettre à l'amende!  (rire) Et après à partir du troisième single je vais me lâcher et surprendre encore plus.

H: Donc ce n'est que le début, même au cinéma?

B: Oui c'est le début. Tout est une question de mentalité, si la personne est ouverte ou pas. Des rappeurs peuvent rester les caricatures d'eux mêmes. Tu prends Booba, à titre d'exemple, ça m'étonnerait qu'il fasse le docteur ou l'avocat. Sa tête et ses tatouages, Booba c'est Booba quoi. Si tu le mets dans un film c'est soit pour faire le voyou soit pour jouer son propre rôle. Moi je peux jouer un avocat, un médecin, un policier. etc. Pour un court métrage, j'ai fais la musique et j'ai joué le rôle principal et ça s'est super bien passé.



H: Donc ton prochain projet c'est "Le fils du soleil", et ce fils c'est toi?

B: Oui c'est moi. Pourquoi? Parce que je suis un mec des antilles, j'aime le soleil, quand il fait beau. J'aime apporter la chaleur. En plus c'est une fille qui me l'a dit! Elle a dit "Tu devrais t'appeler fils du soleil" J'ai dit "Pourquoi?" "Parce que tu tiens chaud." Même quand il fait froid, zéro degré, j'ai chaud. Et tu sais j'ai vu un médecin pour ça. Par rapport à mes pores, je sais pas quoi... Trop de chaleur (rire). La meuf m'a sorti toute l'anatomie. Mais pour revenir à la musique, je sais que j'apporte une certaine chaleur dans ma voix. Je viens des antilles donc il y a plein de coincidences. Je me suis fait tatouer un Dieu Maya là (il montre son épaule). Je viens du soleil, je suis un mec du soleil. Si je n'apporte pas le soleil au moins j'apporte le sourire.

H: On a hâte alors. Et par rapport à tes featuring, tu peux aussi t'illustrer avec beaucoup d'artistes, on t'a vu avec E. Sy Kennenga, Gage, pleins d'artistes différents que t'as réussi à mettre dans ton univers. On doit s'attendre encore à ça?

B: Le problème du featuring c'est que j'en ai tellement fait, je continue à en faire sur l'album des autres, alors du coup maintenant je n'en trouve plus. Ce n'est pas pour faire genre mais je ne trouve personne d'intéressant. Déjà parce que tous les mecs sont sur l'égo. Depuis qu'ils ont signé ils ont un égo surdimensionné, il ne pose pas avec n'importe qui sur n'importe quoi. Alors que c'est de la musique! Moi je suis dans une maison de disque, je suis pété de tune on ne va pas me forcer de poser avec quelqu'un parce que c'est l'artiste du moment. Si j'aime pas, j'aime pas. Tu ne vas pas me forcer. Maintenant il y a des artistes du moment que j'aime bien mais je ne vais pas me casser la tête à les pister. J'aime la musique avant tout. Si tu fais un bon morceau ça va se ressentir. Ca se ressent dans l'esprit et les oreilles des gens. Et quand tu fais un morceau "Kleenex" on se dit ils ont fait un morceau pour faire un morceau. Les mecs ils ne se connaissent pas d'accord, mais il n'y a vraiment pas de partage. Ce n'est pas ce que je veux. Donc pour l'instant dans mon album il n'y a personne.

H: Ca sera de la musique métissée?

B: Il y aura beaucoup de mélanges. On va retrouver tout ce qui est reggae, pop, ma manière de chanter et toutes mes influences. En ce moment j'écoute beaucoup Sia-Chandelier. C'est une performance vocale de dingue! C'est un morceau qui me touche, qui m'inspire... A côté de ça on change pas! Du rap américain, bling bling. Grosses fesses, voitures... Ca veut pas dire que je vais le faire demain mais leur son me parle. Malheureusement ils disent de la merde mais c'est de "l'entertainment". Je sais en faire du divertissement mais j'aime bien aussi le rappeur qui est dans son truc, qui rappe des putains de texte avec tout son quartier derrière. Et quand tu bouges la tête c'est bon. Je sais aussi faire du zouk, de la variété, tout ce que tu veux. Mais c'est le rap qui me fait vibrer depuis tout jeune. Le rap je kiffe et je kifferai encore, même à 40 ans, 50 ans. Maintenant je sais que je peux faire autre chose mais ça me ferait chier (rire). Même si je sais que, sans prétention, je serais capable de faire un album "variét" mieux que certain. Mais le rap me fait vibrer. Je suis un grand enfant. Ma vingtaine je l'ai passé dans la rue. Et y a que ça que je kiffe. Le rap c'est vraiment mon truc.

H: Dès le premier jour ça t'as fait ça?

B: Sia par exemple j'entends le son, la voix, mais le clip je regarde même pas (rire). Une petite qui danse... Non. Mais le rap c'est autre chose, je prends tout. Le premier qui a réveillé mon instinct rapologique c'est Tupac après y a eu Biggie, son rival. Après Nas, Jay Z. Nas je m'y fiais beaucoup. Quand j'ai eu mon problème de voix il fallait que je m'adapte, que je trouve une manière de poser sans crier. Donc lui il m'a beaucoup inspiré. Nas c'est le mec classe, posé. Il a le grain de la voix et Tupac c'est le flow! Tupac il avait un flow d'enfoiré! Quand je l'écoutais j'avais un truc. Il avait une attitude que j'aimais bien. Quand il chantait il se mettait torse nu, je me revois devant la glace avec mon petit corps tout maigre (rire). Après j'allais pas jusqu'à mettre le bandana tu vois mais j'étais là (il chante Only God). J'étais à fond. En sachant que lorsqu'il chantait le ghetto, moi j'ai grandi en Guadeloupe dans le ghetto, donc je vivais le truc quoi.

H: Qu'est-ce qui t'a fait bouger à Paris?

B: La galère (sourire). La prison parce que je faisais énormément de merdes, de conneries. Vente de voitures, vente de cracks... J'avais douze, treize ans. J'ai eu des problèmes par rapport aux parents de certaines filles, j'ai mis deux filles enceintes! C'est ça la jeunesse, on veut toujours se donner un genre par rapport aux copains. T'as une bonne éducation quand tu es chez tes parents mais dès que tu sors tu veux te la raconter. T'en a un qui sort de belles Nike, toi t'es en Nikento ou Nika. Ils ont des sous tu sais pas comment, ils peuvent payer un bonbon, ou un super sandwich aux plus belles meufs. Tu veux faire pareil parce qu'on est cruel entre nous les enfants. Et tu te laisses engrainer. Pourtant on es tous gentils, pris à part on est adorable. Mais avec l'attroupement que des trucs de fou! On veut prouver qu'on est le meilleur.

H: T'étais vraiment le mec à éviter alors. Et c'est la musique qui t'a aidé à arrêter?

B: En fait j'ai fait un coup de ouf, une histoire de vol qui n'est pas passé aux yeux de mes parents. Donc ils m'ont dit "On va t'envoyer en métropole parce que là ça ne va plus." Je ne sortais plus un moment parce que c'était vraiment grave ce que j'avais fait. C'était ça ou Saint Jean Bosco. Saint Jean Bosco c'est une maison de correction de jeune mais à l'époque c'était limite une prison. Maintenant ça s'est un peu arrangé mais à l'époque c'était une zonzon. Y avait une rumeur un peu comme Mamie Wata en Afrique, c'était Saint Jean Bosco en Guadeloupe. Nous les jeunes caïds Saint Jean Bosco c'était l'enfer! Du coup j'ai eu peur, je restais droit. J'ai été en vacances à Paris pour les vacances 98 et des vacances je suis resté, j'ai évité.

H: Et t'as réussi à t'en sortir puisqu'aujourd'hui on te reconnait comme artiste. T'as jamais vécu une année sans musique?

B: Zéro. J'ai toujours pris ça comme un truc encré en moi, un job. Je prends ça comme un métier. La musique j'ai toujours accepté avec joie et il faut avoir énormément de patience.

H: Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter de meilleur pour la suite?

B: Le disque d'or, le disque de platine! (rire). "Le fils du Soleil" c'est pour octobre si tout se passe bien. Et y en aura pour tous les goûts, un bon mélange. J'ai vraiment de grosses cartouches. Je te fais une confidence le morceau que j'aime beaucoup c'est "Million Questions", c'est l'être humain qui se pose des questions. Il y aura des morceaux comme ça où les gens pourront se sentir connectés.

Par : Hanazade

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