Afrodiziac présente Ad Honores "Tout ce qu’on a fait c’est pour la scène. Tout est prétexte à la scène."

29 mars 2018 à 15h30 - 9017 vues

Cette année 2018 commence fort avec le retour d’un groupe incontournable du rnb français, Afrodiziac. Toujours aussi passionnés de musique, les deux acolytes n’ont pas résisté à l’envie d’à nouveau se produire ensemble. C’est tout juste après la sortie de leur dernier album, Ad Honores, que Soul-Addict a décidé de partir à leur rencontre. Hanazade les a retrouvé dans le studio du label de LS, One Music. En plein travail, celui qu’on connaît aussi sous le nom de « the Smooth » est toujours en train de composer de nouveaux titres. Shuga Shug les a rapidement rejoint, pour un point inédit sur leur carrière. Composé à l’origine de quatre membres, comprenant Sam Els et Seb Swing, ce groupe phare du rnb français a vu le jour dans les années 90’s. Rapidement, LS et Shuga Shug se sont retrouvés sur le devant de la scène et ont signés des tubes tels que « Trouves moi un job », « Toi+ Moi » et « Tu n’es plus là ». Ces purs hits du genre se retrouvent dans leur dernier opus, accompagnés d’inédits.

Un album très attendu

Les fans de rnb français attendaient leur retour avec impatience. La cohérence de l’album est immédiatement soulevée, on retrouve tout ce qui fait le succès du duo, que ce soit leurs voix toujours aussi sexy, ou des bases instrumentales efficaces. Dès l’intro, Afrodiziac a su nous mettre d’accord. Nous répétons déjà ensemble « Afro-disiac ». Dès la première chanson nous sommes invités à rentrer dans leur univers 100% smooth & rnb. L’invitation est vite acceptée, l’écoute est fluide, comme les meilleurs masterpieces. On aurait pu écouter un trentaine de titres d’affilés. Il ne faudra pourtant que retenir les dix-huit. Hanazade leur demande rapidement comment parmi toutes leurs créations ils ont réussi à choisir ces titres. Shuga ne cache pas qu’ils auraient pu en donner plus, mais il confie « Ce n’est pas vraiment voulu, mais je trouve ça intéressant de laisser le public sur sa faim. Le dernier titre est un titre qui est passé à la trappe quand on a fait Ad Vitam Eternam. Pas parce qu’il était mauvais, mais parce qu’à un moment il fallait faire des choix.» LS confirme « C’est vrai que dans le tracklisting c’était difficile de tout mettre. Nous on sait à quel moment on l’a fait, comment on l’a fait, ce que le morceau représente, du coup on le met vers la fin. Mais on aurait même pu le mettre en intro. Le dernier titre est l’un des plus vieux qu’on écoute. »

La qualité au rendez-vous

Les thèmes des chansons qu’ils affectionnent sont toujours là, l’amour, les difficultés, l’ambition ou même la famille. Ce sont tous les thèmes que nous connaissons très bien. On apprécie particulièrement le titre Nostalgie composé de deux parties. On retrouve alors une vraie projection de nous-même. On apprécie toujours leurs textes qui font honneur à la langue française. C’est ainsi que, plus que des chanteurs rnb classiques, ils deviennent les témoins et conteurs de la société actuelle. Ils savent raconter les difficultés sociales, les étapes que nous passons dans nos vies. LS constate « Je crois qu’on écrit toujours par rapport à ce qu’on vit. Même l’intro, l’outro, même les bouts de chansons, il y a toujours le petit truc. Dans le titre Des jours sans fin, c’est tout ce qu’on vivait. Prendre le bus, le rater, tout ça, on le vivait. Toutes les bases sont réels en tout cas. Et on a besoin de l’exprimer. La musique reste un moyen d’expression de ce qu’on vit. » On leur demande alors si on peut parler de textes autobiographiques. Shuga modère « Après attention, c’est autobiographique mais on retrouvera aussi deux ou trois histoires qui ne sont pas les nôtres.  Ce sera plus des gens qui seront autour de nous. Par exemple lorsqu’on parle d’histoire d’amour ou de déception. On ne va pas s’inventer mais souvent s’inspirer des personnes autour de nous, que ce soit des sportifs, des artistes, des proches. »

Des artistes investis

Nous ne pouvons nous empêcher de souligner le fait qu’ils restent parmi les rares artistes à assumer autant leur plume. LS le concède « C’est vrai que la plupart de la musique aujourd’hui ne véhicule rien, pas de message. C’est de la musique d’ambiance, presqu’inutile. C’est vraiment ce qui est en train de dominer. Alors qu’au départ, dans la musique française, quand l’art du rap et du rnb est arrivé, il y a beaucoup de gens qui avaient pris le partis de raconter des choses véritables. Je ne dis pas que c’est dommage ou pas dommage. Mais maintenant les gens quand ils arrivent, ils arrivent directement pour faire une chanson qui se vend, à la mode. Et il n’y a pas de profondeur. On peut aussi faire ça, mais on ne va pas oublier que la musique peut nous servir à dire de vrais choses, comme avec Trouves-moi un job. On s’est dit qu’on allait l’écrire parce que des gens vont se reconnaître, c’est quelque chose que les gens de notre âge vont vivre. On se dit qu’on peut faire des chansons pour délirer mais il faut aussi s’exprimer. »  Le moins que l'on puisse dire c'est que grâce à leur sincérité, chacune de leurs paroles vibrent dans nos coeurs.

Vers de nouveaux featurings?

On peut écouter les anciennes, qui restent d’anthologie, comme dans Sale Attitude avec Jango Jack, Singuila & Nathy. LS nous révèle « Il y a plein de titres qui ne sont pas sortis. On a fait une version de l’Espoir avec Wallen. Et plein d’autres collaborations. » Mais le groupe a décidé de rester sur ses classiques et ne présente que ceux qu’on connaît. LS explique « Avec Jango, ça nous plaisait de bosser avec un mec comme ça parce qu’on s’est de suite entendu. C’était comme travailler avec un pote. Il est friendly, il est objectif, il travaille vite, il travaille bien. » Fidèles à leurs convictions, ils ne regrettent rien de leurs choix d’avant. Shuga confie, en parlant d’eux « Nos chansons on les écoutes et on les écoutera encore longtemps. Il n’y a pas grand-chose qu’on regrette. » Et en écoutant leurs titres on comprend. Autant d’authenticité ne peut se regretter. LS ajoute « Notre position c’était de faire de la musique, juste de la musique. Sinon on aurait été un boys band. Et on a maintenu ça jusqu’à aujourd’hui. » Il révèle tout de même qu’à une période ils ont du faire de la résistance. Ils ont du enregistrer un album sous la gouverne de leur ancienne maison de disque. Malgré les concessions ils ont fini par radicalement changer le projet et créer leur fameux opus Ad Vitam Eternam. Loin de se laisser contraindre par le marché de la musique, ils vont là où leur inspiration les mène. A la question s’ils projettent de nouvelles collaborations Shuga répond « Moi je suis plutôt parti pour aller chercher ailleurs pour apporter quelque chose en plus qui n’a pas été fait avant. » LS rebondit immédiatement « Oui en Angleterre, London ! Il y a toujours de la fraicheur là bas. Ils ont toujours de nouveaux sons, ils assimilent la musique et la recrache différemment.»  Avec des artistes comme Jamiroquaï, Craig David, Jessie J, et Rita Ora on ne peut dire le contraire. Mais ils insistent sur le fait qu’ils n’iront jamais à l’encontre de leur feeling. Shuga rappelle « Il faut que ça apporte aux deux artistes qui participent. S’il y a vraiment quelque chose qui passe on apportera ce sentiment aux gens. »

Un avenir international?

Le moins quel  l’on puisse constater, c’est que les deux acolytes ont le talent nécessaires pour se mesurer aux plus grands artistes, même internationaux. Avec un flow extraordinaire, on confondrait leurs chansons avec les meilleurs classiques anglais et américains, tels que ceux de R. Kelly, Dru Hill, Ginuwine, Next ou même Usher. La chanson Ton Afrodisiac vaut bel et bien les meilleurs classiques américains. Ce sont peut être les seuls en France à savoir autant faire groover la langue de Molière. LS nous explique « Déjà ça fait vraiment longtemps qu’on fait ça. Ca fait très longtemps que l’on crée. Aujourd’hui lorsqu’on fait une chanson en une heure, c’est toute l’expérience d’avant qui parle. C’est bien vingt ou trente ans d’expérience maintenant. » Shuga ajoute « Le truc c’est qu’à l’époque, et même maintenant, quand tu fais de la musique, t’écoutes des artistes qui font la même chose en même temps. Moi j’aime à dire que des artistes comme Jodeci, on se serait trouvé facilement des accroches en se rencontrant. Tout ce qu’on écoutait, tout ce qu’on créait, se retrouvait dans les mêmes moments. On était vraiment synchro. C’était vraiment notre culture. On le vivait vraiment. » En écoutant leur musique, on ne doute pas un instant que c’est bien la même école, la même vie et le même amour de la musique qu’ils partagent, tout ceci malgré la distance géographique. Au-delà de musique, c’est la même culture, la même histoire du rnb qui se propagent. Cela se ressent dans l’attitude, la façon de chanter et de faire vibrer leurs fans. Ils ont su marquer leur époque de la même manière. Des fois la connexion se fait même malgré eux. LS nous raconte une anecdote. « On sortait des Bains douches, on était en voiture, et on tombe sur qui ? Pharrell Williams. Il attendait un taxi. En nous voyant, tous ces mecs noirs, il a flippé. Mais pour le rassurer on a sorti un des sons de Neptunes, Noriega. Il a kiffé. On a bien parlé dix, quinze minutes, le temps de voir son taxi. A la fin il nous a dit, Venez demain on se voit aux Bains douches. On lui a dit Ouais Mais en fait on est jamais venu. » Shuga explique « Oui, on ne cherchait pas l’opportunité. »

Rois du smooth rnb made in France

Avec ou sans les américains il est sûre qu’ils savent maîtriser l'art rnb, on le retrouve dans les tubes Inconscience, Ca ne tue pas ou Si j’avais su.  On l’annonce à tous les romantiques, tout est là pour séduire ! LS s’amuse « Je pensais que c’était que dans le zouk, mais les mecs nous ont envoyé plein de messages de remerciements. C’est dingue. » Pourtant ils doivent avoir plusieurs créations de couple à leur actif, voir de la création des bambins qui vont avec. Shuga explique « En plus ce n’est pas notre but de faire de la musique de lover, de former des couples. Ce n’est pas du calcul. On aime bien la chanson, hop on la met dans l’album. Notre groupe s’appelle Afrodiziac, donc il fonctionne comme ça. Après même si on est lover on aime aussi parler d’autre chose. C’est ce qui a fait la différence avec les autres groupe de l’époque. On écrit les chansons au grès de nos humeurs en fait. C’est comme si ça suivait une journée. Tu peux partir au travail le matin tu es énervé, après la journée tu peux voir quelque chose qui va te faire sourire, rire, et rentré le soir tu retrouves ta chérie tu te détends, tu chilles.»  En effet, on le remarque parfaitement, notamment avec la chanson Motivé qui saura faire bouger n’importe qui, n’importe quand. LS constate « C’est ça qui est de merveilleux dans la musique, même si tu ne sais pas la situer, s’il y a une bonne vibe dedans, tu kiffes. On a toujours fait ça, on a toujours tenté de faire passer de nouveaux sons.»  Toujours curieux de nouvelles vibes, audacieux dans la rythmiques et l’instrumentales, ils gardent néanmoins intacts la qualité de leurs textes. On apprécie donc le titre Motivé, l’ovni musical de leur nouvel album. On invite donc tous les fans à leur montrer leur motivation.

Un éternel coup de coeur 

On retient facilement le titre « La R.U.E ». La performance de Shuga est juste magistral, et LS lui rend la balle à merveille. C’est LE titre à écouter. C'est en parlant de la chanson que les deux artistes profitent pour se gratifier. Shuga ne tarit pas d’éloges au sujet de LS « LS est un putain de rappeur, de producteur, de mixeur, sans compter un chanteur de fou! Après ce n’est jamais très objectif parce que c’est la famille, mais pour moi c’est l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur chanteur en France. Je lui prends la tête pour ça, mais il écrit super bien. Il aurait pu faire carrière aussi en tant que parolier, pour les autres artistes.  Après c’est la fierté. C’est mon cousin. Mais au-delà de ça on a été réuni par la même passion. A la base il trainait plus avec mes petits frères. C’est juste quelqu’un de talentueux. Et justement dans la R.U.E, si on écoute bien, à la fin, c’est LS qui porte la voix et fait les chœurs, c’est aussi pour ça que le morceau est  magnifique. Tu ne sais pas mais à la base on est parti sur du Nirvana sur ce morceau là, on a rajouté des rythmes à la Rocky Balboa, j’ai appelé des gens pour faire les chœurs, le morceau est juste magique. » LS lui aussi à su trouver les mots pour parler de Shuga « Déjà Shuga est un concepteur. Il y a plein de choses qui peuvent paraître évident pour les gens, mais pour plein de petites choses, que ce soit le nom, les photos, il y a Sugar derrière. C’est un créatif, quoi qu’il en soit. C’est un excellent lyriciste. Il arrive à bien retranscrire de façon originale. Quand on fait un morceau rnb ça peut être simple, refrain, couplets. Mais pour lui ça va être plus compliqué parce qu’il a toujours voulu se positionner différemment. Il ne voulait pas complètement chanter comme les Dru Hill etc. Et il voulait aussi rapper différemment. Donc sa force pour moi c’est d’avoir pu mélanger les deux. C’est une tuerie et c’est lui le premier que j’ai entendu, du moins en français, faire ça. C’était vraiment un précurseur de ce qu’on appelait à l’époque un rappé chanté. C’est un mec qui écrit bien, chante bien, mais qui chante juste. Moi ce que j’aime avec Sugar c’est qu’il chante très juste, mieux qu’avec certain choriste. Quand il fait des accapela ça bouge pas ça reste droit. C’est un plaisir de chanter avec lui. Et musicalement il reste très original. Il reste plus artiste que moi dans la création. Moi j’ai une partie purement technique. » On comprend alors parfaitement ce qui a retenu les deux hommes. Ils savent magnifiquement se compléter. Tandis que LS perfectionne leur style musical, Sugar lui donne lui une dimension unique. C’est ainsi que le duo Afrodiziac collectionne des classiques, des titres qui ne cherchent pas à se vendre comme des petits pains mais marque le souvenir du public pour des générations.

Ad Honores, nouveau classique

Ainsi malgré leurs carrières respectives, les deux hommes ont su créer un terrain commun où ils peuvent exercer la totalité de leurs talents. Shuga explique « Quand on a fait Afrodiziac, avant même de prévoir quoi que ce soit, c’était vraiment un kiffe. On a eu la chance de pouvoir faire un disque, et puis après un album. Après il y a des choses qui restent à réaliser. Pour Ad Vitam Eternam j’aurais aimé faire une tournée. Ca reste une frustration, mais ça ne s’est pas fait tant pis. Je suis restée dans mon domaine. J’ai fait des choses qui ont plus ou moins marché, mais je suis resté discret. Je me suis un peu retiré. Mais je reste toujours aussi près de la musique.» LS ajoute « Après on prend de la bouteille dans le calme, on essaie de ne pas être ce qu’on n'est pas. On reste juste dans l’air du temps. » Shuga termine « Tout ce qu’on a fait c’est pour la scène. Tout est prétexte à la scène. On s’entrainait ensemble pour faire de la scène. Faire un disque on s’en foutait. C’est quand un mec nous a entendu chanté et nous a démarché qu’on s’est mis à penser à ça. On y pensait pas parce qu’y penser c’était déjà aller trop loi. On s’entrainait juste pour aller chanter. " Et en écoutant Ad Honores on attend qu’une seule chose, les revoir sur scène. Tout y est, Ad Honores est bel et bien fait pour la scène. Nous n’attenons  plus qu’une seule chose, les retrouver. La suite arrive, restez connectés.

Propos recueillis par: Hanazade MRADABI

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